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Olivier Sillig et Narcisse
L’éponge et l’éphèbe Chaque mois, Julien Burri, journaliste et écrivain, invite une personnalité à se pencher sur son image et celle de l'alter ego qu'elle s'est choisi pour l'occasion. Portrait au miroir. Photo : Carine Roth
Il a découvert les soirées du Trixx et ses garçons. Depuis, les filles le draguent davantage, attirées par l'homme «impossible». Olivier Sillig balance entre amants et maîtresses, s'interroge sur les différences entre les sex es: relation plus physique avec les mâles, plus sensuelle avec les filles. Là encore, il bricole avec les identités et les désirs, sans tabous. Panne de journaliste II
m'a reçu chez lui, dans son appartement lausannois, dont il a conçu les
meubles et la décoration. C'était peu avant Noël et j'ai recueilli deux
heures d'interview sur deux enregistreurs (on n'est jamais trop prudent),
avant de déguster un goûteux plat de pâtes. En voulant réécouter les bandes
plus tard, il m'est arrivé le pire cauchemar que puisse vivre un journaliste:
plus de Sillig. Ni sur le premier enregistreur, ni sur le second. Commentaire
de l'intéressé par courriel: «C'est comme l'histoire du type qui mettait deux
préservatifs.» Puis: «La mémoire reste la meilleur des mémoires.» Narcisse manqué Problème: je ne me souviens plus pourquoi Olivier
Sillig avait choisi Narcisse comme alter-ego. Psychologue clinicien diplômé
depuis 1978, l'écrivain regarde aujourd'hui la discipline avec défiance.
Aucune psychologie dans ses romans. Il m'avait envoyé une
photographie de Gustave Courtois (1853-1923) montrant un éphèbe, penché
sur l'eau, plongé dans la contemplation de son reflet. Une image qui rappelle
les photos du Baron Wilhelm Von Gloeden (une jeunesse rurale à peine pubère
déshabillée par un aristo esthète sous couvert de mythologie). Olivier Sillig
n'a pas de problème à se regarder dans un miroir. Ni n'entretient de
fascination particulière pour son reflet. En fait, il se trouve très peu
narcissique. Cela en devient presque une maladie. Il veut mettre en avant ses
créations, pas lui. S'effacer. Narcisse serait donc un anti-alter-ego? Hélas
la réponse était sur les bandes, perdue à tout jamais!
Souvent,
les personnages principaux des récits d'Olivier Sillig sont des décors. Ce
fils d'architecte excelle à créer des lieux fantasmagoriques qui mettent les
corps sous tension. Des no man's land hantés, où la mémoire se perd. Prenez Je
dis tue à tous ceux que j'aime, publié chez l'éditeur gay H&O. C'est
une ville qui sous-tend le récit, une ville qui s'efface et piège
progressivement les deux héros, deux hommes qui se cherchent et se désirent.
Ou son premier livre, Bzjeurd, qu'il a mis sept ans à publier (sollicitant
quelques 60 éditeurs avant d'être retenu par l'Atalante en 1995, puis
republié dans la prestigieuse collection Folio SF de
Gallimard): les personnages se perdent dans une lande mouvante qui les
absorbe peu à peu et finit par hanter leur esprit. Ses meilleures histoires
sont quasi topographiques. Ce sont aussi les plus sombres, les plus
dépouillées. Touche à tout de génie Après
la psychologie, Olivier Sillig a été informaticien. Il vit de «quelques
droits, de ses économies et d'expédients très avouables». Il vient de
terminer un film d'animation, Tiens-toi bien! et ne sait pas quels
seront ses projets artistiques pour 2011. Dans son appartement-atelier, il
confectionne des meubles qu'il vend, inspiré des stations services de
l'ex-RDA. Sa prolixité donne le vertige aux éditeurs: scénarios de western
burlesque ou de BD, poèmes, contes érotiques, romans historiques ou de SF,
pièces de théâtre ou chansons... Il ne se reconnaît dans aucune catégorie. Il
est «sponge». «Sponge», comme une éponge. Il ingurgite et dégurgite ce qui
l'entoure. Organique, donc. Travaillé par les corps et le désir. Il
a voyagé aussi. Autour de sa chambre puis en chair et en os. Lui qui voulait
tant aller au Caire, a fait un lapsus en remplissant un questionnaire pour
participer à une résidence d'artiste de Pro Helvetia. Résultat: il a finit à
Johannesburg. Le Caire, ce sera pour plus tard. Lui qui avait filmé l'Afrique
sans y avoir mis les pieds a découvert un continent qu'il connaissait déjà. Umbo
et Samuel, 17 minutes en français et en wolof. L'histoire d'un enfant,
Samuel, enfermé dans une prison africaine avec Umbo, le Wolof. Samuel doit
convaincre Umbo de l'aider à se hisser jusqu'à la fenêtre de la cellule, pour
qu'il puisse s'échapper. Mais Umbo ne veut pas rester seul... Contre toute
attente, ce film a été tourné à Lausanne. Ce foisonnement créatif n'est pas
que joyeux. Une pointe de tristesse affleure, «congénitale», paraît-il.
Pourtant le créateur ne se laisse pas désarçonner par ses échecs. S'il décide
de ne pas diffuser un film «raté» et de le laisser dormir dans sa boîte, il
est «plutôt fier» d'en avoir conscience et de l'assumer. Les affres du métier
(chercher à chaque fois un nouvel éditeur, attendre, - il a mis 16 ans à
publier le roman historique Deux Bons Bougres) le fatigue mais le stimule en même
temps. Sur son site internet, on peut lire: «Le chemin est caillouteux.
Heureusement, il est aussi imprévisible et sinueux. C'est ce qui rend le rend
amusant.» Février 2011 – 360° Fiche
signalétique Livre de
chevet
> Un caprice de la nature, de Nadine Gordimer Film
fétiche > Soleil trompeur, du russe Nikita Mikhalkov. Collection
>
«Aucune, jamais!» Un lieu
>
Houat, une île de Bretagne où il s'est isolé pour écrire Je dis tue à tous
ceux que j'aime. Une
phrase > «Me botte ce qu'il y a dans ta culotte, c'est avec ton cul que
je prends mon pied.» Olivier Sillig note des aphorismes ou des phrases
glanées ça et là en signature de ses courriels. Celui-ci est daté de juillet
2009 et signé «Le cordonnier déchaussé». On peut en lire un florilège sur son
site: www.oliviersillig.ch |
Olivier Sillig / info@oliviersillig.ch / (21) 320 33 22
V: 02.03.2011 (02.03.2011)