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Olivier Sillig 

Polar

Pâté d'aurochs, 1980De Bru on dit souvent qu'elle est ville perchée ;
Ce soir, c'est sous la lune assez souvent cachée
Par la masse en paquet des nuages vaguant
Dans le ciel étoilé. Des arbres arrogants,
Des platanes dressant leurs moignons torturés,
Dessinent sur le sol des cônes hachurés,
Des trouées de faisselle, où les feuilles accourent,
Ressac roulant, cassant et bruissant alentour
Mais bientôt perturbé dans son flot incessant
Par un groupe bâtard, galeux et pubescent :
Une horde de cinq chiens répétant, indécis,
De nombreux va-et-vient en cercles imprécis,
Vers une silhouette imposante qui danse
Chancelante, hésitante, un couteau dans la panse.

Quand on arrive à Bru, on voit qu'elle est perchée
Au sommet d'une arrête. Elle paraissait juchée,
À ceux qui débarquaient éberlués, hagards,
De leur train, tout en bas, dans la petite gare
Depuis désaffectée, quand ils l'apercevaient
Cinq cents mètres au-dessus, dans un à-pic mauvais.
Mais au sud, elle s'étale, en une pente douce.
Que l’on découvre alors que la crête s'émousse,
En une arrête molle et sans rien du tranchant
De la lame, à l'acier aiguisé et méchant,
Cette nuit, perforant, en plein, le ventre énorme
D'un géant décharné, qui, comme alors les ormes
Atteints d'épizootie, gît, les bras tourmentés,
Rigides et tordus, les muscles mouvementés,
Exsangues, parcourus d’ecchymoses bleuâtres,
Mouchetées de points rouges et de taches brunâtres,
Qui ne s’expliquent pas du seul fait qu’il fût ivre.
Il se piquait pour vivre et dealait pour survivre,
Pour assurer ses rêves et nourrir ses clébards.
Maintenant qu'ils se savent orphelins, ces bâtards
Gémissent à la lune, elle, ici, ronde et blanche
Dans la flaque de sang où le défunt s'épanche.

Ce qui est sûr de Bru, c’est qu'elle est divisée.
Pauvre, la partie nord. Bien plus favorisée,
Riche, la partie sud. Alternance de rythme,
Systole, extrasystole, en un même algorithme :
Déflation, inflation, et leurs courbes croisées,
La moitié dans la fange et l'autre embourgeoisée.
Comme un chapeau chinois la mairie fait frontière,
En accent circonflexe sa cours rectangulaire
Est en pente et le mort, là où il est tombé,
Pour un mètre cinquante, a chez lui succombé.
Qui a donné l'alarme ? On se demande, dame !
Un passant inconnu, anonyme quidam,
Insomniaque curieux qui préférait aux siennes
Les affaires des autres, à travers des persiennes
À jalousie olive et peinture écaillée,
Ou alors, très pimpante, une femme éveillée,
Les sentiments en panne ou bien la libido,
Reluquant éméchée derrière ses rideaux.
La police débarque. Enfin ! Tout en fanfare.
Un instant. Puis plus rien. Les deux gros gyrophares
Maintenus enclenchés répandent, globuleux
Dans leurs faisceaux changeants et crus, des éclats bleus.
On espérait bientôt, l'éclairage installé,
Ramasser des indices à raz le sol dallé.
Mais voilà que débarque, un peu nue, une fille,
Pâle et dégingandée. Elle se tord les chevilles
Et, sur ses talons hauts, ne marche pas mais danse,
Comme danse un camé. Camée, à l'évidence
Elle est, et méchamment. On veut la refouler.
Mais, désignant le corps, l'air pas trop chamboulé,
Elle dit le connaître, elle était sa copine.
En le voyant vautré, la voilà qui opine:
— Comme il est, on dirait un poulet en salade
Avec sa garniture ! » Et, comme une malade,
La main devant la bouche, elle rit et s’exclame
Comme une saltimbanque aguicheuse, en réclame,
Sur un ton gouailleur, pointant les feuilles mortes :
— Mais le plus drôle c'est… » Un policier l'exhorte.
— …Que le dernier truc que je l'ai entendu dire
C'est que tout ce feuillage à force de courir
Toujours, de-ci de-là, l’énervaient tellement.
Il manifestait même un gros étonnement
Qu'on le tolère encore en ce lieu si moderne
Où, au simple vouloir de vilaines badernes,
Tout devient éloxé ou alors d'époxy.
Il s'était demandé à notre époque si
Ç’était pas plus aisé, de tout le remplacer
D'une fine et jolie ébauche en PVC
Choisi vert en été et puis rouge en hiver. »
Elle demande enfin quand on l'a découvert ?
Depuis un temps ses yeux se sont un peu voilés
Et là, presque aussitôt, elle se met à chialer.
Les flics soudain émus, mués en Saint-Bernard,
La consolent, entourés des cinq cabots geignards.
Puis une fois sachant où repêcher la fille,
Ils la laissent partir avec, comme famille,
La meute qui la suit. D'elle ou d'eux qui conduit ?
C'est difficile à dire. Un type est introduit
Dans le rai de lumière, émacié et  courtaud,
Mal rasé et mégot, un vague paletot
Enfilé rapido, la liquette douteuse.
Sans la moindre pudeur, la moindre gêne honteuse,
Son bas de pyjama laisse le ventre à nu.
— Inspecteur, ce Monsieur, ce Monsieur est venu
Ici pour témoigner. » On doit remettre encore
La recherche d'indices, il leur faut tout d'abord
Ecouter déposer ce citoyen zélé:
— Ne pouvant roupiller, je remets la télé:
Une bonne émission, vous connaissez "Tout chasse" ?
Mais si c'est du blabla assez vite ça lasse.
Alors je jette un œil sur la rue au dehors.
Et là, je vois ce mec… » D'un geste vers le corps
Montre le macchabée: — J'ai cru qu'il était saoul.
Marchait comme un bouchon chahuté par la houle.
Ce n'est que quand j'ai vu les feux bleus tournoyer
Que j'ai su que votre homme ne s’était pas noyé. »
— Vous souvenez-vous quand, plus ou moins, vaguement,
Ça c’est passé tout ça ?
                                 — Oui, très exactement,
Ça a sonné deux coups … » Voilà que l’insomniaque
Qui lorgnait à travers ses persiennes, maniaque,
Croit avoir vu un truc, l'ombre d'une silhouette,
D'abord juste aperçue, et furtive et fluette,
Qui partait dans un sens et puis qui revenait :
— Pour moi, sur le moment, rien qui me surprenait.
Comme un qui se rappelle encore quelque chose
À dire à l'autre ivrogne, en drôle ou en morose.
Maintenant que je sais qu'il y a eu mort d'homme
Je regarde tout ça différemment en somme. »
— Ah ! oui ? Et comment ça ? » demande l'inspecteur
Pressé et fatigué d'un ton inquisiteur.
Le gars interloqué, balbutie un instant,
Puis s’embrouille et soupire et devient hésitant:
— Je ne sais pas vraiment. Excusez-moi, c'est bête,
J’ai bien pu me tromper. Pourtant la silhouette,
Je l'ai vue. Elle était et longue et noire et fine. »
Le flic en a assez que le témoin peaufine
Et se mette à broder, faisant l'intéressant.
Assez perdu de temps. Ça devient plus pressant
De chercher les indices avant que les dispersent
Le vent et le froid qui, peu à peu, les transpercent.
On tire des photos. Vient l'heure d'expédier
Le corps rigidifié. S'en charge un brancardier.
Comme destination, le tiroir en inox
D’une morgue épurée tout de verre et d’élox.
Très vite on l'oubliera, à moins que quelque part
Il n’ait encore une mère pour pleurer son départ.

De retour, l’inspecteur délesté de son colt
Et de tout son fourbi commente sa récolte :
— C’est comme avec l'yi-king, les cartes du tarot,
Ou le marc de café. On démarre à zéro,
De pièces de puzzles différents, mélangés,
D’où, à les assembler et à les arranger,
Émergent pour finir des fragments cohérents.
Travailler quelquefois, l'esprit vide et errant:
Voir un cadavre exquis, pas à pas nous mener,
En déroulant son fil sous nos yeux étonnés,
Jusqu'à son meurtrier. Stratégie délicate.
Or je n’ai pour l’instant, qu’un néant disparate:
Une puce de chien, mais lyophilisée,
Un mégot ordinaire, un cheveux très frisé
Et qui provient sans doute d'une tierce personne.
Peut-être ce quidam dont la présence étonne ? »
Mais trois jours vont suffire à résoudre l'affaire.
En fait il s'est agi d'un bête bras de fer
Entre l'homme aux cinq chiens et un toxicomane
Excité par la blanche et cherchant la chicane.
Débordé par la rage à la nuit qu'à fait naître
L'excitation des bêtes et le flegme du maître,
Le type l'a suriné puis, délaissant son arme,
Il s'est caché pas loin. Le remord et les larmes,
Peut-être un manque aussi, l'ont fait tôt ressortir.
Pleurnichant, il n'a guère essayer de mentir
Et il a avoué d'abord autour de lui,
Dans la zone, aux dealers, aux comparses, et puis
À la môme du mort, qui a elle hérité
Des chiens de la victime. Sans à peine hésiter,
Elle l'a dénoncé. Comme quoi dans ce milieu,
Et ici comme ailleurs, on est, au pire, au mieux,
Citoyen ou judas, suivant de quel côté,
De la lorgnette on mate. Le type est arrêté.

L'affaire est terminée. Une histoire si mince
Que pas un éditeur, petit ou de province,
Ne saurait trop quoi faire avec ce truc faiblard,
Qui n’est pas un roman et à peine un polar.
                               ***

Croquis: Olivier Sillig, Pâté d'aurochs 1980
slamé par CinqCentDouze, le 06.04.2011 à 7 heures du matin, devant un parterre de slameurs endormis, lors des 24 Heures de Liège, en Belgique


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Lien avec la H-page de l'auteur: http://www.oliviersillig.ch













V1   
V1_corr.pdf   
V:.27.01.04 (12.01.04)        






























Version du 15.01.2004 avec les erreurs relevée par Athéna:   

... *    = nouvreau
* ... = ancien
... ~ vers modifié.


Polar

De Bru on dit souvent qu'elle est ville perchée ;
Ce soir, c'est sous la lune assez souvent cachée
Par la masse en paquet des nuages vaguant
Dans le ciel étoilé. Des arbres arrogants,
Des platanes dressant leurs moignons torturés,
Dessinent sur le sol des cônes hachurés,
Des trouées de faisselle, où les feuilles accourent,
Ressac roulant, cassant et bruissant alentour
Mais bientôt perturbé dans son flot incessant
Par un groupe bâtard, galeux et pubescent :
Une horde de cinq chiens répétant, indécis,
De nombreux va-et-vient en cercles imprécis,
Vers une silhouette imposante qui danse
Chancelante, hésitante, un couteau dans la panse.

Quand on arrive à Bru, on voit qu'elle est perchée
Au sommet d'une arrête. Elle paraissait juchée,
À ceux qui débarquaient éberlués, hagards,
De leur train, tout en bas, dans la petite gare
Depuis désaffectée, quand ils l'apercevaient
Cinq cents mètres au-dessus, dans un à-pic mauvais.
Mais au sud, elle s'étale, en une pente douce.
Que l’on découvre alors que la crête s'émousse,
En une arrête molle et sans rien du tranchant
De la lame, à l'acier aiguisé et méchant,
Cette nuit, perforant, en plein, le ventre énorme
D'un géant décharné, qui, comme alors les ormes
Atteints d'épizootie, gît, les bras tourmentés,
Rigides et tordus, les muscles mouvementés,
Exsangues, parcourus d’ecchymoses bleuâtres,
Mouchetées de points rouges et de taches brunâtres,
Qui ne s’expliquent pas du seul fait qu’il fût ivre.
Il se piquait pour vivre et dealait pour survivre, *
* L'homme se piquait pour vivre et dealait pour survivre,
Pour assurer ses rêves et nourrir ses clébards.
Maintenant qu'ils se savent orphelins, ces bâtards
Gémissent à la lune, elle, ici, ronde et blanche
Dans la flaque de sang où le défunt s'épanche.

Ce qui est sûr de Bru, c’est qu'elle est divisée.
Pauvre, la partie nord. Bien plus favorisée,
Riche, la partie sud. Alternance de rythme,
Systole, extrasystole, en un même algorithme :
Déflation, inflation, et leurs courbes croisées,
La moitié dans la fange et l'autre embourgeoisée.
Comme un chapeau chinois la mairie fait frontière,
En accent circonflexe sa cours rectangulaire
Est en pente et le mort, là où il est tombé,
Pour un mètre cinquante, a chez lui succombé.
Qui a donné l'alarme ? On se demande, dame !
Un passant inconnu, anonyme quidam,
Insomniaque curieux qui préférait aux siennes
Les affaires des autres, à travers des persiennes
À jalousie olive et peinture écaillée,
Ou alors, très pimpante, une femme éveillée,
Les sentiments en panne ou bien la libido,
Reluquant éméchée derrière ses rideaux.
La police débarque. Enfin ! Tout en fanfare.
Un instant. Puis plus rien. Les deux gros gyrophares
Maintenus enclenchés répandent, globuleux
Dans leurs faisceaux changeants et crus, des éclats bleus.
On espérait bientôt, l'éclairage installé,
Ramasser des indices à raz le sol dallé. *
* Ramasser des indices sur le pourtour dallé.
Mais voilà que débarque, un peu nue, une fille, *
* Mais voilà que débarque, à moitié nue, une fille,
Pâle et dégingandée. Elle se tord les chevilles
Et, sur ses talons hauts, ne marche pas mais danse, *
* Sur des talons trop hauts. Plutôt qu'elle marche, elle danse,
Comme danse un camé. Camée, à l'évidence
Elle est, et méchamment. On veut la refouler.
Mais, désignant le corps, l'air pas trop chamboulé,
Elle dit le connaître, elle était sa copine.
En le voyant vautré, la voilà qui opine:
— Comme il est, on dirait un poulet en salade
Avec sa garniture ! » Et, comme une malade,
La main devant la bouche, elle rit et s’exclame
Comme une saltimbanque aguicheuse, en réclame,
Sur un ton gouailleur, pointant les feuilles mortes :
— Mais le plus drôle c'est… » Un policier l'exhorte.
— …Que le dernier truc que je l'ai entendu dire
C'est que tout ce feuillage à force de courir *
* C'est que toutes ces feuilles à force de courir
Toujours, de-ci de-là, l’énervaient tellement.
* Toujours, de-ci de-là, l’énervaient copieusement.
Il manifestait même un gros étonnement ~
Qu'on le tolère encore en ce lieu si moderne ~
Où, au simple vouloir de vilaines badernes,
Tout devient éloxé ou alors d'époxy.
Il s'était demandé à notre époque si
Ç’était pas plus aisé, de tout le remplacer *
* Ç’était pas plus aisé, de toutes les remplacer
 D'une fine et jolie ébauche en PVC *
* Par de fines et jolies ébauches en PVC
Choisi vert en été et puis rouge en hiver. »
Elle demande enfin quand on l'a découvert ? *
* Elle se tait, veut savoir quand on l'a découvert ?
Depuis un temps ses yeux se sont un peu voilés *
* Depuis un temps ses yeux commencent à se voiler
Et là, presque aussitôt, elle se met à chialer.
Les flics soudain émus, mués en Saint-Bernard,
La consolent, entourés des cinq cabots geignards.
Puis une fois sachant où repêcher la fille, *
* Puis, une fois qu'ils savent où repêcher la fille,
Ils la laissent partir avec, comme famille,
La meute qui la suit. D'elle ou d'eux qui conduit ? ~
C'est difficile à dire. Un type est introduit ~
Dans le rai de lumière, émacié et  courtaud,
Mal rasé et mégot, un vague paletot
Enfilé rapido, la liquette douteuse.
Sans la moindre pudeur, la moindre gêne honteuse,
Son bas de pyjama laisse le ventre à nu.
— Inspecteur, ce Monsieur, ce Monsieur est venu
Ici pour témoigner. » On doit remettre encore
La recherche d'indices, il leur faut tout d'abord
Ecouter déposer ce citoyen zélé:
— Ne pouvant roupiller, je remets la télé: *
* — Impossible d'roupiller, je remets la télé:
Une bonne émission, vous connaissez "Tout chasse" ?
Mais si c'est du blabla assez vite ça lasse.
Alors je jette un œil sur la rue au dehors.
Et là, je vois ce mec… » D'un geste vers le corps
Montre le macchabée: — J'ai cru qu'il était saoul.
Marchait comme un bouchon chahuté par la houle.
Ce n'est que quand j'ai vu les feux bleus tournoyer
Que j'ai su que votre homme ne s’était pas noyé. »
— Vous souvenez-vous quand, plus ou moins, vaguement,
Ça c’est passé tout ça ?
                                 — Oui, très exactement,
Ça a sonné deux coups … » Voilà que l’insomniaque
Qui lorgnait à travers ses persiennes, maniaque,
Croit avoir vu un truc, l'ombre d'une silhouette,
D'abord juste aperçue, et furtive et fluette,
Qui partait dans un sens et puis qui revenait :
— Pour moi, sur le moment, rien qui me surprenait.
Comme un qui se rappelle encore quelque chose
À dire à l'autre ivrogne, en drôle ou en morose. *
* À dire à l'autre ivrogne; du drôle ou du morose.
Maintenant que je sais qu'il y a eu mort d'homme
Je regarde tout ça différemment en somme. »
— Ah ! oui ? Et comment ça ? » demande l'inspecteur
Pressé et fatigué d'un ton inquisiteur.
Le gars interloqué, balbutie un instant, *
* L'autre reste interloqué, balbutie un instant,
Puis s’embrouille et soupire et devient hésitant:
— Je ne sais pas vraiment. Excusez-moi, c'est bête,
J’ai bien pu me tromper. Pourtant la silhouette,
Je l'ai vue. Elle était et longue et noire et fine. »
Le flic en a assez que le témoin peaufine
Et se mette à broder, faisant l'intéressant. *
* Et se mette à broder pour faire l'intéressant.
Assez perdu de temps. Ça devient plus pressant
De chercher les indices avant que les dispersent
Le vent et le froid qui, peu à peu, les transpercent.
On tire des photos. Vient l'heure d'expédier
Le corps rigidifié. S'en charge un brancardier.
Comme destination, le tiroir en inox ~
D’une morgue épurée tout de verre et d’élox.
Très vite on l'oubliera, à moins que quelque part
Il n’ait encore une mère pour pleurer son départ.

De retour, l’inspecteur délesté de son colt ~
Et de tout son fourbi commente sa récolte :
— C’est comme avec l'yi-king, les cartes du tarot,
Ou le marc de café. On démarre à zéro,
De pièces de puzzles différents, mélangés,
D’où, à les assembler et à les arranger,
Émergent pour finir des fragments cohérents. *
* Finissent par émerger des fragments cohérents.
Travailler quelquefois, l'esprit vide et errant:
Voir un cadavre exquis, pas à pas nous mener,
En déroulant son fil sous nos yeux étonnés,
Jusqu'à son meurtrier. Stratégie délicate.
Or je n’ai pour l’instant, qu’un néant disparate:
Une puce de chien, mais lyophilisée, *
* Une puce de chien, sèche, lyophilisée,
Un mégot ordinaire, un cheveux très frisé
Et qui provient sans doute d'une tierce personne.
Peut-être ce quidam dont la présence étonne ? »
Mais trois jours vont suffire à résoudre l'affaire.
En fait il s'est agi d'un bête bras de fer
Entre l'homme aux cinq chiens et un toxicomane
Excité par la blanche et cherchant la chicane.
Débordé par la rage à la nuit qu'à fait naître
L'excitation des bêtes et le flegme du maître,
Le type l'a suriné puis, délaissant son arme,
Il s'est caché pas loin. Le remord et les larmes,
Peut-être un manque aussi, l'ont fait tôt ressortir.*
* Peut-être le manque aussi, l'ont vite fait ressortir.

Pleurnichant, il n'a guère essayer de mentir
Et il a avoué d'abord autour de lui,
Dans la zone, aux dealers, aux comparses, et puis
À la môme du mort, qui a elle hérité *
* À la môme du mort, celle qui a hérité
Des chiens de la victime. Sans à peine hésiter, *
* Les chiens de la victime. Elle n'a pas hésité,
Elle l'a dénoncé. Comme quoi dans ce milieu,
Et ici comme ailleurs, on est, au pire, au mieux,
Citoyen ou judas, suivant de quel côté,
De la lorgnette on mate. Le type est arrêté.

L'affaire est terminée. Une histoire si mince
Que pas un éditeur, petit ou de province,
Ne saurait trop quoi faire avec ce truc faiblard,
Qui n’est pas un roman et à peine un polar.
                               ***

slamé par CinqCentDouze, le 06.04.2011 à 7 heures du matin, devant un parterre de slameurs endormis, lors des 24 Heures de Liège,
en Belgique

slamé jusqu’à « où le défunt s'épanche » au Bourg  par CinqCentDouze  le 04.12.2013