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Entre 2004
et 2005 j’ai pondu de très courts textes que j’ai abusivement
baptisés « haikus ». J’ai
décidé de m’arrêter à 100 et de les
réunir dans « Centhaïku » (en fait
j’en ai écrit 126 avec l’idée d’éliminer les 26
plus mauvais). J’ai montré
« Centaïku » à un poète et
à un critique certifiés, ils ont tous deux
été horrifiés. Moi, je ne le suis toujours pas
totalement. Lausanne,
le 1 novembre 2007 |
Haïku Intro
Sauf hasard,
aucun de mes haïkus
n’en est.
Faute de meilleurs critères, ces faux haïkus sont classés par ordre alphabétique :
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Si j’étais un petit avion
quelquefois
je m’enverrais en l’air.
Exclu pour dopage,
le leveur de poids, lové en chien de fusil,
rêve d’utérophilie.
Il y a des bulles dans le cerveau du vieux savant,
la maison du savoir devient mémoire de savon.
La spécialité de la boucherie H. c’est la saucisse antillaise.
Madame permet des libertés à son mari, le samedi soir.
Ça rend sa saucisse plus piquante, dit-elle, en m’en coupant 50 centimètres.
au marché du jour
Il partait en lambeaux sous une lune qui,
à la place du squelette,
révélait un fantôme.
Depuis la fin de la censure,
la mer d’Aral n’est plus caviardée.
Il faut y remédier. Est-ce-t’urgent ?
Propos prêtés à A.
Nazarbayev (président du
Kazakhstan)
Bien des laboureurs allaient ivres aux champs,
en particulier celui qui traça le sillon de ma vie.
Salmé par Stag le 31.10.07
Si le jeune schizophrène était en retard,
c'est qu'il s'était perdu de vue.
Sous un ciel de galène,
le lac plombé est le cercueil de l’été.
Un soir de gros cafard
j’ai vu sous la douche
un scarabée noir.
Un zigue à puces lui crie:
Change tes chaussettes,
eh, Joconde!
Elle était
comme les huîtres du Grand Café
toutes frémissantes
sous la courte lame de l’écailleur.
À 500 cents mètres du péage,
un écriteau :
DERNIER POÈTE AVANT L’AUTOROUTE.
Quasimodo ment,
Cosette est quasiment casée.
Si le moutard dit : jonc,
et que le moutard dit vrai,
il faut trier le grain.
Des immigrés à la sauvette vendent
de petites ardoises posées sur le sol.
C’est le journal des sans-papiers.
Je suis né par accident,
dit le fils du colombophile.
D’un lâcher de pigeon.
J’arrive sur le quai, la gare est silencieuse.
Quand, sur la voie d’en face, un tain rempli d’oies s’ébranle,
la volaille cacarde joyeusement.
Hommage à Nikita Mikhalkov
Sur un pont se camait Léon
Mais sur les quais se camait Rounais.
Calcinés par l’iode et le sel,
les squelettes des orques alignées
sont les bancs publics enneigés de la plage éventée.
À l'Africain branché qui lui tire ses photocopies :
— Vous êtes, et j’en suis ravie, le plus beau photocopieur de couleur
de toute la Romandie.
Sous ton casque ventilé
t’as le look d’un aspirateur.
À ton passage tombent les mouches,
pas les filles.
Apprenez que tous potages
Vivent aux dépends de
Celui qui les goûte.
Cette leçon vaut bien un homard.
Son dieu est débonnaire.
Quand il boit trop de café, il lui dit simplement :
Si tu bois trop de café, tu bois trop de café.
Contrairement aux autres corps d’armée,
les sous-mariniers ont un grand esprit de corps
dans un tout petit corps.
D’après France-Inter
Quand
j’ai
l’air à côté de mes pompes,
c’est que j’ai la tête dans l’Haïku.
Eux boivent pour oublier, moi je crée.
Eux, ils ont la Croix-Bleue, moi pas.
Slamé pas Stag le 31.10.07
La plus belle chose au musée aujourd’hui :
une adolescente abandonnée sur une marche.
Abandon total, perdu dans des rêves connus d’elle seule.
Face à ses deux enfants,
muets comme des carpes et sages comme des images,
dix minutes durant, une mère hurle qu’elle ne veut plus les entendre.
(sic)
Le premier jour, elle sarcla sous le Lilas,
le deuxième sous la Glycine, puis sous la Clématite et le Begnolia,
mais le matin du cinquième jour elle succomba sous le Pois de Senteur.
Au
bistrot sans
papier,
tout nu, sans Haïku,
j’ai l’air cul !
Haïku de la Saint-Valentin savante
— Le nombre π est une suite parfaitement aléatoire
mais totalement prévisible.
— Toi aussi, mon chéri.
Haïku de l’arbre de la connaissance
Jardin d’Eden, nuit sans lune,
soudaine fringale, cueillette à l’aveugle.
Est-ce pomme, est-ce poire ?
Je connais un beau ténébreux
qui ne porte des lunettes de soleil
que pour masquer sa part d’ombre.
Une onde qu’il aimait l’a emporté.
Peut-être l’écho côtier des cocotiers.
Sorti de route,
Niki Lauda
niqua l’Audi.
À l’heure des repas, le vieux marin apparaît à la fenêtre de l’asile.
Un couteau et une fourchette à la main,
il attend les poissons volants.
Quand,
débarrassées de leurs parasites,
les poules ressortent mouillées de l’océan,
les moules, pouillées,
Se grattent.
Procès entre parcs avicoles et
ostréicoles à
Courtelinois (22)
Tous les démons frissonnèrent d’inquiétude
quand Séraphin entra avec son air d’ange heureux.
Au bal des jeunes premières, rendez-vous galant
au salon sous le piano.
Sous le piano d’accord, mais piano à queue ou piano droit ?
À la Sainte-Catherine, elles vont,
au bal des mémés
en mal de bébés.
En cas d’urgence
appuyer 20 secondes sur le poussoir rouge
puis introduisez votre code fiscal
et votre numéro de sécurité sociale.
Nous n’irons pas au bois, nous mêler à la fête,
ses éclats, ses flonflons
et ses rires parfumés aux vomissures d’alcool.
Me rendant à la fête, j’ai croisé
un couple de sorcière, une mère et sa fille.
La fille était déguisée, la mère pas.
Ce matin de Noël,
les élagueurs municipaux sont au travail.
Les arbres de ma rue semblent décorés de Playmobil.
Selon
une femme
intriguée par ma présence,
quelqu'un de seul prend plus de volume.
J'ai dû lui paraître énorme.
La rouille attaque les blindés U.S.
Elle se développe en champignons
sous les couches de minium, anti-occident.
Matin, fenêtres ouvertes,
un parfum dans la canicule d’août.
Quelque part, une fille a sa première ovulation sans doute.
Je ne peux plus travailler.
Piaille, petit poulet en batterie,
Jamais la chaleur de l'ampoule
Ne remplacera ton inconnue mère poule !
Saccage du port, situation confuse,
les marins parlent d’une bande de vent d’ouest
et la presse d’une bande de vandales.
Parce qu’elle lâche un petit jingle intempestif,
la caisse enregistreuse suscite les protestations de la caissière,
elle qui n’émet sa petite musique que quand on la touche.
Longuement.
(sic)
On dit l'amour avec un grand "A"
Et non l'amour avec un grand "M".
Pourtant l’amour avec un grand "t'aime!"
C’est bien plus beau qu’avec un grand tas.
Le phare se dressait contre le ciel
et son faisceau contaminait la nuit d’étoiles.
souvenir
d’Écosse
Une nonne fait une chute de 100 mètres et s’en sort par miracle*
alors que le boulanger se retrouve dans le pétrin.
*Manchette du quotidien « Le Matin » du 14
juillet 2004
La mort alité diminue.
Ici on meurt debout !
À l’orée d’un bois touffu, au fronton d’une école primaire,
une devise nous met en garde.
À chaque apprentissage, un peu de rêve disparaît.
Dans la lumière du couchant,
Le vieil homme s’arrête interloqué.
Son ombre allongée à soudain l’air si jeune.
Haïku d'un mal mystérieux dont on cache le nom
Croisé par hasard, en réponse à ma sollicitude :
— Heureusement que les habits tiennent encore l’homme,
sinon il s’effondrerait.
(sic)
Les poissons tirés hors de l’eau s’asphyxiaient à respirer
et lui à vivre.
Il les a rejoint en sautant du pont.
Aime-moi, Emma !
Et moi, émoi,
je t’aimerai !
Chaque semaine,
le guerrier des étoiles
attend le retour du jeudi.
Il existe un lynx dont le nom scientifique est « Lynx Lynx ».
Il s’agit donc d’un lynx lynx lynx.
antienne
familiale
Un jour si j'ai le temps, un jour je mourrirai
en disant pleins de trucs sans importance qu'on appellera démence.
Aux compagnons de la marjolaine,
la chanson paillarde le dit bien,
l’étroit jeune tambour n’en menait pas large.
Lors de la grande répression du tabagisme
même le sapeur pompier de service
fumait dans son casque.
Quand la bombe explosa,
l’ombre d’un sourire
éclaira son visage poudré.
L’ogre affamé,
la gueule pleine de cathares,
conspuait l’Albigeois.
Les pubs pour ses parfums
sont torrides et glaciales
comme une sueur froide.
Un jour, tiens-toi bien,
je m’offrirai sur trois étages
un salon de toilettage.
Pour chien.
La liberté des pressions
est inversement proportionnelle
à la fermeture éclair des industries textiles.
*Imperdable l [n. m.] :Suisse romande :
épingle
double, épingle de nourrice.
(http://suter.home.cern.ch/suter/patois.html)
Je suis blanc comme un lapin
fervent de musiques baroques.
Chi sono quando sogno che ho sonno ?
Che sonno quando sono chi sogno !
Qui suis-je quand je rêve que j’ai
sommeil ?
Quel sommeil quand je suis qui je
rêve !
Las de la descente Saint-François
et de la montée du Calvaire,
j’ai pris la rue qui penche.
Ce soir, la jam,
infâme marmelade,
me rend malade.
À Marseille, je ne pensais qu’à tanguer,
À Tanger, je ne pensais qu’à ton gars.
Et au Congo, qu’à ton gay.
Les vents du seigneur,
nous dit le navigateur,
sont, cramponnez-vous bien,
aussi imprévisibles que les miens.
Pendant que le lapin de garrigue hiverne dans son terrier,
le lapin des plages coule des jours heureux dans son sablier.
Diffusant le métal hurlant de leur rock gothique,
les camions surplombés d’haut-parleurs défilent
comme certains trains plombés traversaient le pays.
La mort avance cachée dans nos ombres.
Aujourd’hui, par manque de soleil,
je l’ai aperçue dans le dos d’un ami.
Belle solidarité des femmes devant les toilettes.
Elles font la queue,
alors que nous n’en avons pas.
Rue des figuiers,
l’ogre de Barbarie lance
sa petite musique piquante.
Un soir, parfaitement dans mon assiette,
entre un haricot d’agneau et un bouquet de brocoli,
j’ai entendu rugir le riz sauvage.
* linaire : n. f. • XIIIe; de lin : Plante herbacée
(scrofulariacées)
appelée aussi lin sauvage, gueule de lion, dont les fleurs
portent un long
éperon. v. cymbalaire, velvote. (Petit Robert)
* haricot
n. m.
• 1596; a. fr. harigoter
« couper en morceaux », du frq. °hariôn
I. Ragoût (de
mouton). Un haricot de mouton. II. (1651; fèves de haricot « de
ragoût » 1642) Plante herbacée […] (Petit Robert)
Les arbres arrachés ou qui hésitent encore
gardent dans leurs griffes, captif, le vent fossile.
Morts, ébouriffés, ils sont comme les soldats fauchés
d’une invisible coulée de lave.
Le Christ s’était arrêté à Eboli.
Les messies modernes sont allés plus loin.
Mais, pressés, ils n’ont fait que des autoroutes.
(Basilicate)
Cette bouée est en mer
ce que l’amer est à terre.
À l’enterrement de mémé, y a pas grand monde.
Elle le disait bien: Y a pas grand monde pour m’aimer.
— J’suis une vraie merde !
— Mais non ! Y a que toi qui dis ça, tu fais l’hypocrite,
et y’a rien de pire qu’une merde hypocrite.
Toujours tes sushis ?
Tes menus m’agacent trop,
Monique !
Fini les couilles en or,
il part, le corps en houille.
D’une femme riche j’ai appris
que l’éternuement est l’orgasme du pauvre.
J’ai tout loisir de le vérifier aujourd’hui.
— Sur la table de la cuisine, je t’ai pris avec colère.
— Sur le dos tu m’a mis, j’ai chanté de plaisir, si, ré.
— Dies irae sur la toile cirée.
Avec cette mini écrasée dans les pins
ça a tout à coup un côté très british, les Landes*.
* A l'origine, les mini étaient
construites par Austin
et Morris, deux marques de BMC (British Motor Corporation)
qui s’est ensuite appelé British Leyland.
Au bord de la route, ce matin tôt,
j’ai aperçu de très vieux anges
assis sur des petits bancs de brouillard.
Le bachelier quittant Salamanque par le Pont des Humbles,
devait s’acquitter d’une énigme.
S’il ne répondait pas: « Je ne sais pas. »,
l’hydre savante le jetait dans l’abîme.
Sous cette image de play-boy volontairement entretenue*
se cachaient celle d’un play-boy volontairement entretenu.
*rubrique nécrologique du Temps
Le jeune père adulé sait
que sa jeune femme a du lait.
Si ma
vie est la mer,
ces Haïkus sont les amers aigres-doux,
des récifs qui la ponctuent.
Au trentième jour de son périple,
victime du scorbut,
le jeune paladin perdit sa première dent de l’errance.
Les abbés cédèrent,
ils en avaient
assez des beys.
Aujourd’hui j’ai fait
un cache bouteille de Tabasco
en forme de bouteille de Tabasco.
La chute de son empire
rendait ses journaux si singuliers
qu’ils en devenaient journal.*
* Et cheval, les chevaux de son écurie.
Les flocons sont énormes. Il neige des plumes.
Attrapes-en une, taille-là délicatement
et poursuis ton hivernale chronique !
Si toutes les femmes de Suisse
connaissaient l'effet du céleri sur leur mari,
les plantations du légume s'étendraient de Genève à Romanshorn.
Une maraîchère au marché, un samedi sous la neige
Ce matin, dans la rue, je pousse un petit cri :
— Aïe !
C’est le mal de vivre qui revient.
Slamé par Stag le 31.10.07
Émilie est touchée par le rappeur, au cœur.
Il l’émeut dans son rapport au corps.
En un train continu
les camions bouffeurs d’espoir
se shootent aux vapeurs d’asphalte.
En vrai altruitiste,
le pêcheur relâcha ses prises.
Le vent est mort.
Sur la mer en jachère le bateau broute,
les marins en rut ruminent leurs fièvres
et les airs paissent.
Même écrit à l’encre de chine,
il y a moins de points noirs
sur mon nom que sur mon nez.
Olivier Sillig
Habitué à rincer son lavabo à grande eau,
il refusa d’amener le Sahara
au nettoyage à sec.
Elle avait des seins énormes.
Ils dépassaient de partout.
En grappes. Et c’était bientôt l’automne.
Mon père dit verge,
ma mère converge,
je nais.
Dans le palais du grand Pan,
se pavanant imbibés,
les beys bis citèrent le sicaire à paraître.
— Toi, dit l’ivrogne à la route sinueuse
sur laquelle il chemine,
ton asphalte est plus souvent gris que noir !
Sur le coup de minuit,
dans la chaleur de l’été,
fenêtres ouvertes,
des bruits de vaisselle.
Dans un cimetière d’Auvergne,
sur une tombe, il y a un Christ cadran solaire.
Manchot, il donne l’heure mais pas les minutes.
Condat(Cantal)
Dring, dring !
C’est la voisine,
j’viens boire mon Darjiling.
Aimant le bon pain grillé,
il partageait sa couche
avec une protestante austère.
Ma maman est partie en habit cynique,
rejoindre un Éthiopien
mais elle nous a laissé une boîte de raviolis en boîte.
Qui mange des gaufres
périra par les gaufres.
Dans un nuage de lait,
une rondelle de citron
ne fait pas l’été.
La tête dans les nuages et les jambes en coton,
ce matin levé du gauche, puis les deux dans le même sabot,
c’est pas le pied pour pédaler.
Vous serez privés de désert,
crie la jungle en colère!
La ville semblait déserte,
les gens s’étaient coulés derrière leurs lunettes noires
ou noyés dans leurs SMS.
Dans un train régional,
devant les caméras de surveillance,
un contrôleur au chômage joue les clowns grimaçants.
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©Olivier
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Lien avec la H-page de l'auteur: http://www.oliviersillig.ch
V:
28.11.2007
(27.09.07-09.05.2002)