Une voix, une voix
de femme appelle. Michel, Michel !
Michel n’a pas répondu. Il a rebouché la bouteille qu’il
a mise à l’abri dans le premier placard du bar. Il a rejoint en
terrasse un dernier client, deux touristes qui finissaient la
soirée en dégustant la spécialité locale.
Il est garçon et patron. Du Café des Commerçants.
Il l’a hérité du patron d’avant, brusquement disparu.
Michel a plaisanté sans rire avec le chaland. Comment
s’appellent les gens d’ici ? Il a répondu d’une boutade,
olympien, soutenu par son balai, froidement ivre, et calme.
Maintenant il a posé son balai contre le placard, celui
où est rangé son vin personnel. Il a tiré une
cravate de sa poche, et une chaise sous le gros lustre
poussiéreux. Dans la rue endormie, une lueur tournante marque le
passage d’une voiture attardée. En haut, une voix de femme
appelle. Michel, Michel !
Les vieilles chaises seront changées, les nouvelles arboreront
chrome et osier synthétique, les murs seront repeints, les
alcools modernes et les prix augmentés. Dans un premier temps le
bar sera fermé. D’abord pour deuil, puis pour travaux.
Dedans, une femme appelle. Michel, Michel ! Mais Michel s’est pendu.
***
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