Vigousse / 17.12.2021 No 517

 


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ANTICIPATION PAS ROSE

Bzjeurd alors !

Vigousse 17.12.21

 

Le diptyque apocalyptique du Lausannois Olivier Sillig est rassemblé dans un seul beau volume chez Hélice Hélas.

 

En 1995, le Lausannois Olivier Sillig publiait le roman post-apocalyptique Bzjeurd. Vingt-cinq ans plus tard, il termine un deuxième tome consacré à la genèse de ce monde. Hélice Hélas a rassemblé ces deux textes dans un fort volume de 400 pages intitulé Les Limbes de Bzjeurd.

Le premier livre décrit un monde du futur retourné à un état médiéval. Partout s’étendent les limbes, une sorte de marécage où l’on ne s’aventure qu’avec d’infinies précautions. Çà et là, des poches de vie humaine subsistent, des petites communautés de quelques centaines de personnes qui cultivent des terres gagnées sur les limbes au moyen de travaux harassants. Le jeune Bzjeurd revient chez lui après un voyage mais ne retrouve que désolation : tout le monde a été massacré sauf les jeunes femmes, qui ont été enlevées. Seul au monde, il erre un temps puis rejoint la ville fortifiée de Kazerm. Là, il va subir un long et cruel processus de sélection destiné à faire de lui un soldat. Plus il progresse, plus il réalise que ceux qui ont attaqué son village proviennent probablement de Kazerm. Bzjeurd est un roman sombre et terrible. La plongée dans les méandres de la cité mystérieuse fait froid dans le dos. Une idée est particulièrement brillante : le système hiérarchique de Kazerm est totalement opaque. Les ordres ne sont jamais donnés clairement et personne ne sait qui commande. Lorsqu’une recrue meurt ou disparaît, les autres comprennent que la victime avait enfreint une règle non dite et l’assimilent. Cette dictature invisible, par son aspect kafkaïen, renforce l’originalité de ce livre marquant.

La deuxième partie, intitulée Kazerm, remonte aux origines du cataclysme, 100 ans avant Bzjeurd, dans un monde qui ressemble au nôtre. La Terre est soudainement recouverte d’une couche de plusieurs mètres d’hydrocarbure gazeux et de métaux lourds, la poisse, qui éradique toute vie. Un groupe de scientifiques, dont l’institut situé sur une colline a été épargné, tentent de s’organiser. Poussés par la faim, ils doivent se résoudre à quitter leur refuge. Rapidement, le groupe va régresser à une organisation tribale avec ses rites de fertilité barbares. Ce deuxième tome commence fort, avec un récit qui rappelle le fameux Quinzinzinzili de Régis Messac et ses enfants qui retournent à l’âge de pierre en quelques mois. Mais l’auteur se perd ensuite un peu en route. Certaines péripéties confuses ne nous permettent pas vraiment de comprendre comment ces scientifiques dégénérés se transforment en seigneurs de guerre capables de bâtir la cité de Kazerm. L’histoire part trop dans tous les sens pour convaincre, même si la conclusion s’avère satisfaisante. C’est dommage, mais Les Limbes de Bzjeurd demeure tout à fait recommandable pour sa première partie.

   

                                Les Limbes de Bzjeurd, Olivier Sillig, Hélice Hélas, 400 pages. 

                                Stéphane Babey

     

 








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